dimanche 15 janvier 2012

Conduite intérieure

Je suis passé entre les gouttes de pluie acide
J'ai encore tous mes cheveux
La forêt n'avait plus d'arbres
Ils ne savent pas courir comme moi
Je suis arrivé au bord de l'autoroute
Sous les lumières oranges
J'ai longtemps marché en faisant du stop
Mais aucune des voitures qui ne passaient pas par là
Ne s'est arrêtée
Alors j'ai recommencé à courir
Parce que bientôt
Il ferait jour
Et je ne voulais pas voir ça
Je ne voulais pas voir ça
J'ai pris la bonne sortie
Et les premières maisons se sont dressées devant moi
Les lumières en étaient éteintes
Et tout le monde faisait semblant de dormir
Ou ils jouaient à colin-maillard
Ou ils étaient morts
Quelle idée stupide
Les morts n'éteignent pas les lumières
Je courais toujours en arrivant au carrefour
Le feu était rouge mais j'étais trop pressé
A cette heure-là, il n'y a pas de flics
Je traversai le boulevard
De l'autre côté commençait l'avenue des Prés fleuris
Je m'arrêtai au n° 78
J'étais chez moi
Les enfants m'attendaient dans leurs chaises roulantes
Isabelle n'était pas là
Sans doute avait-elle pris un détour
L'horloge indiquait 8 heures 47'
D'abord, je me félicitai d'avoir fait un aussi bon temps
Puis à la réflexion
Je me dis que c'était impossible
Il était près de 8 heures 45'
Quand ma voiture a rencontré ce gros camion
C'est même très précisément à 8 heures 47'
Que mon cœur
A cessé de battre

4 commentaires:

  1. J'avais promis une publication par semaine. Mais l'atelier est en vacances, et j'ai beaucoup de peine à écrire sans cet aiguillon. Alors voici encore un vieux fond de tiroir qui ne va pas améliorer ma réputation auprès de Hans. L'atelier reprend la semaine prochaine. Je vous promets donc une nouveauté pour le 31 janvier. Juré, craché.

    RépondreSupprimer
  2. On est là en plein dans le genre : c’est la fin qui donne son sens et justifie le texte. Grosse réussite. J’aime beaucoup l’éclair « Les morts n’éteignent pas la lumière ». Non, ils ne l’éteignent pas, mais il raisonnent très justement, les morts.
    Au fait, pourquoi les enfants attendent-ils dans « leurs chaises roulantes » ? Juste pour introduire un élément en quelque sorte onirico-létal ? Ou bien quelque chose d’autre m’échappe ?

    RépondreSupprimer
  3. Situation littéraire classique, je suppose: le narrateur au purgatoire se croit au centre de l'action, alors qu'il n'est qu'en transit (comme nous tous). Isabelle est morte sur le coup 2 minutes plus tôt puisqu'elle était à la bonne place (celle du mort). Les enfants, promesses d'avenir, survivent (en chaises roulantes). C'est pas une belle morale?

    RépondreSupprimer
  4. Ah oui...quelque chose m'échappait donc. Je me disais bien que j'aurais dû apprendre à lire.

    RépondreSupprimer