mercredi 14 décembre 2011

Ma gazelle


Elle est là, elle m’attend. Elle a beau être accompagnée, je sais qu’elle n’est là que pour moi. Gracieuse ; elles le sont toutes, cherchant les pousses tendres. Quoi de plus beau qu’un troupeau de gazelles dans la savane ? Mais elle, pourquoi elle ? Elle boîte légèrement. Peut-être s’est-elle blessée dans un buisson d’épineux, ou a-t-elle coincé un de ses frêles sabots entre deux cailloux ? Elle boîte. C’est ce qui fait tout son charme. Je m’approche tout doucement du groupe. Mmmh, les voir sans être vu ! J’avance contre le vent et je sens leur odeur. Mon ventre frôle le sol à se brûler. Je les entends mâchonner maintenant ; j’avance. Crac ! Une brindille sous mes pas : plus un geste ! Certaines ont relevé la tête et cherchent la menace. Je ne bouge pas, le temps s’écoule, mon cœur bat, le soleil tape. Le temps s’écoule et mes gazelles se remettent à leur repas. Mon cœur bat et je me remets en mouvement. Encore quelques pas.
Soudain, tout s’agite ! Quel oiseau de mauvaise augure a ainsi affolé mon troupeau ? Plus le choix : je m’élance. Je n’ai d’yeux que pour elle. Elle seule semble digne de moi. Elle galope. À gauche, à droite. Quel jeu merveilleux ! Je ne la lâche pas. Elle galope de tout son boitillement. Je vole, je suis le maitre de la savane. Cinquante kilos de muscles, de griffes et de canines. Ça y est, je te tiens, ma gazelle !
Notre étreinte ne durera pour toi que le temps d’un râle d’agonie. Tu as trouvé ton maître, j’ai trouvé mon repas. Console-toi, ma belle : des gazelles comme toi, il y en a des milliers, les léopards comme moi sont en voie de disparition.