lundi 24 juin 2013

Polaroïd


Autour de moi, un monde de sable. Sous mes pieds nus, un sol brûlant qui se dérobe à chaque pas. Mon chapeau de toile peine à me protéger d’un soleil torride traitreusement atténué par le vent. J'ai chaud, j’ai ma pelle à la main et j'avance. Depuis combien de temps ? Je l'ignore. J'avance en évitant les corps étendus autour de moi et les murailles de toile parfois dressées entre moi et l'horizon. D'autres comme moi errent ou semblent au contraire absorbés dans leur travail. Ils creusent, entassent, emplissent et vident des seaux. L'air est saturé d’iode, mais aussi d'odeurs, grasses et sucrées. Le vent charrie des cris, des voix et par delà, ce grondement sourd et incessant qui nous avait happés dès notre arrivée. Dans l'azur, virevoltent des oiseaux chamarrés qui rivalisent d'adresse. Planant en altitude, d’un coup ils piquent vers le sol avant d’infléchir leur course au dernier moment et remonter au zénith. Je les observe, fasciné.

Avant de reprendre mon périple, je me retourne un instant. Mickey, où est Mickey ? Il a disparu. Depuis quand nous sommes-nous perdus de vue ? Je me retourne et me retourne encore, je ne sais plus d’où je viens. Même si j’en avais la présence d’esprit, je ne pourrais pas retrouver mes traces, englouties par le sable. Je reste là, un instant, interdit, et tout à coup, prenant conscience de ma solitude, je hurle. Je suis seul au monde et je hurle. Bien sûr, les autres me regardent, mais ils ne peuvent rien pour moi. J’en viens à pleurer. Et soudain la claque survient, paf ! C'est ma mère qui est là. Je ne l’ai pas vue arriver. Elle hurle presque aussi fort que moi : « Petit imbécile ! Je t'avais pourtant bien dit de ne pas t'éloigner du grand panneau Mickey ! » C'est bon de savoir comme elle m'aime ; je hurle encore, il faut qu'elle le sache ! Sa main ferme sur ma menotte me ramène prestement au campement où m’attendent banane, biscuits et biberon d’eau. Ça tombe bien : j'ai soif d'avoir tant hurlé.