J'étais tranquille, peinard, en train de préparer
ma soupe du soir et des jours prochains. J'avais salé-poivré et remis
le couvercle. Je pouvais retourner à d'autres occupations en attendant
la prochaine étape.
Je ne m'attendais pas à le trouver là. Il était gras, laid,
bête et vulgaire comme un pigeon; c'était un pigeon. Il avait marché comme chez lui les
quelques mètres qui séparent ma terrasse de mon bureau, y cherchant sans
doute une inexistante pitance. Lui aussi parut surpris. Dérangé dans sa
visite sans doute, il décolla prestement à la verticale et se cogna la
tête au plafond, insuffisamment toutefois que pour s'assommer. Il fit
une fois le tour de la pièce avant d'en trouver la sortie qui passait
par la pièce adjacente. Là, il se fracassa par trois fois le bec à la
partie supérieure de la porte-fenêtre avant de changer d'altitude pour
enfin franchir en volant la porte par laquelle il était entré à pied. Je
croyais en être débarrassé, mais non! L'abruti n'eut rien de plus
pressé que de se poser sur la rambarde de ma terrasse, comme si elle
appartenait à l'espace public. Exaspéré, je pris un journal qui trainait
là et chassai d'un geste le grossier qui prit enfin ses ailes à son cou
et se dirigea vers les toits voisins.
Grossier, oui, car il m'imposa en vérité un ultime geste : l'infâme
avait marqué son passage durant sa promenade... Je hais les pigeons.