lundi 12 novembre 2012

Au pied du mur

– Tu ne dis rien ?
– ...
– Je vois bien que tu m’en veux.
– ...
– Pourquoi tiens-tu à savoir comment elle s’appelle ?
– ...
– ... Moenia.
– ...
– Moche ? C’est un prénom comme un autre, c’est tout.
– ... 
– Une salope ? Ça, je t’interdis de...
– ...
– Évidemment que je l’ai regardée. 
– ...
– Ouiii, bien regardée. D’ailleurs, toi aussi tu l’as vue, tu ne lui trouves pas un petit quelque chose ?
– ...
– Non, tu déformes mes mots ! Je ne veux pas que vous...
– ...
– Non, ça ne m’exciterait pas ! Tu es méchant, tu me fais du mal !
– ...
– Oui,... je sais que je t’en ai fait aussi.... Ça ne se reproduira plus, je te le jure.
– ...
– Essaie de comprendre. Il y avait la musique, on a dansé, on a bu. J’étais soûl. J’étais comme... envouté, voilà.
– ...
– Je sais bien que ce n’est pas une excuse. C’est simplement... un concours de circonstances. C’est un accident.
– ...
– Écoute, j’essayais simplement de t’expliquer comment ça a pu se passer. Ne me regarde pas comme ça, tu me stresses ! Tu peux m’écouter deux secondes ? 
– ...
– Merci. Bon, d’habitude, je danse mal. 
– ...
– Oui, merci de me le rappeler!... Mais là justement, chacun de nos pas s’accordait l’un à l’autre, et nos regards ne se quittaient jamais. Et finalement, nos bouches...
– ... 
– Mais non, ce n’est pas vulgaire !
– ....
– Qu’est-ce qu’elle a de plus que toi ? Elle a... des seins ! Et des fesses ! C’était tout en rondeurs. Et puis, elle sentait bon...
– ...
– Je n’ai pas dit ça ! Bien sûr que tu ne pues pas !
– ...
– Ah, non ! Je te jure que j’ai pris mes précautions. Et puis, qu’est-ce que tu risques ? La mérule ?
– ...
– ...
– ...
– Tu sais bien que c’est toi que j’aime. 
– ...
– Comment ça ? Si, comme avant, comme toujours ! J’ai besoin de toi.
– ...
– J’aime ... ta force, ta droiture, ton équilibre. Je sais que je peux m’adosser à toi ; tu ne flanches jamais. J’aime la moindre de tes aspérités, même ta rugosité sous mes doigts. Tu me rassures. Avec toi, je n’ai jamais trop chaud, ni trop froid. Tu m’as toujours protégé. Je ne pourrais pas me passer de toi.
– ...
– Mais non, ce n’est pas purement physique !
– ...
– Elle, c’est différent.
– ...
– « C’est », « c’était », quelle importance ?
– ...
– Mais tu m’énerves à la fin. Qu’est-ce que tu veux ? M’enfermer ici pour toujours ?
– ...
– Et bien si ! Je pourrais très bien la rejoindre maintenant. On n’est pas mariés après tout !
– ...
– Oui, elle est jolie. Et sensible, et intelligente. Parfaitement ! Et toi, toi, tu es un peu... un peu brut de décoffrage. Mais c’est ce qui fait ton charme. 
– ...
– Ne dis pas de bêtises. Tu ne ferais pas ça. 
– ...
– Cesse ce chantage stupide. Tu ne crois quand même pas que je vais marcher là-dedans.
– ...
– Je n’ai pas dit que tu n’étais qu’une brute, ni qu’un... Mais qu’est-ce que tu fais ? Non ! Arrête !

Pesamment, lentement, le mur s’effondre sur lui-même dans un nuage de poussière. L’homme reste seul, nu et désemparé devant le tas de briques. Il pleure. Le téléphone sonne. Il décroche, c’est elle. Il hurle :

– Salope !

............................................Noir cut............................................