Une fois faits, je remisais mes "croquis" dans un carton. Je me rendais bien compte qu'ils s'organisaient autour d'une thématique musicale, et même carrément jazzy, mais c'est venu par hasard. Une réminiscence de mon temps de régisseur au Travers, je suppose, lequel était pourtant à l'époque loin derrière moi. J'ai toujours fonctionné avec un temps de retard. C'est pour ça que je ne fais de musique qu'avec moi tout seul.
De loin en loin, je les ressortais, j'en faisais des photocopies, des agrandissements, je les retournais, je les décalquais, je précisais le trait. Et puis je les rangeais dans une nouvelle chemise que j'enfermais dans un fond de tiroir comme pour sanctifier le travail accompli. De tiroirs en tiroirs, je ne les ai jamais jetés. Aucune clairvoyance méritoire, aucune signification, sinon peut-être psychanalytique : je ne jette jamais rien.
Le noir sur blanc ne me convenant pas, je n'ai pas trouvé d'autre technique que poser mon dessin sur un carton noir léger et repasser au crayon sur le trait en poussant comme un malade pour faire apparaitre le dessin en creux sur la feuille noire. Ensuite, je remplis le sillon au marqueur blanc. C'est un peu fastidieux et en y réfléchissant, ça me semble indigne de notre XXIème siècle technologique.
J'en avais déjà fait deux ou trois, comme ça, et qui trainaient dans des cartons -j'ai beaucoup de cartons-, mais jamais toute la série. Pour l'expo -grâce soit rendue à Brigitte qui me confie son bateau-, je me suis décidé à terminer les dessins qui n'étaient pas fini, à tous les mettre au même format A4, sur la même qualité de papier, et puis voilà.
Quand j'y pense, de 2004 à aujourd'hui, ça fait 18 ans. 18 ans pour quelques traits blancs sur fond noir, quelle productivité ! Ça aussi, ça me semble indigne du siècle.